Qui est sujet du droit international ?

Modifié par Clemni

En droit international classique, seuls les États sont des sujets responsables : le droit international ne pouvait pas contraindre des individus et il était donc impossible de concevoir un droit pénal international. Cependant, après la Seconde Guerre mondiale, le juriste Hans Kelsen (1881-1973) a montré qu'un individu pouvait être sujet du droit international en s'appuyant sur le droit de la mer et sur la responsabilité individuelle des pirates au regard de ce droit.

Qu'est-ce en effet qu'un pirate ? C'est une personne qui, pour son propre compte et sans être mandatée par aucun gouvernement ou État, navigue dans le but d'attaquer des navires de commerce, pour s'en emparer, piller à main armée les marchandises qu'ils transportent, attenter à la vie des passagers ou commettre des actes de déprédation.

Des pirates agissant en haute mer et en dehors des eaux territoriales sont soumis d'un point de vue juridique au principe de la compétence universelle. D'après l'article 38 de la convention de Genève sur la haute mer (29 avril 1958) et d'après l'article 100 de la convention de Montego Bay (10 décembre 1982), tous les États doivent coopérer à la répression de la piraterie et tout État a le droit de saisir les navires pirates et de juger les pirates selon ses lois et dans ses tribunaux. Si un État néglige de prendre des mesures contre des pirates alors qu'il a l'occasion de le faire, il viole un devoir que le droit international lui impose.

Kelsen rappelle que, de tous temps, le pirate a été considéré comme l'« ennemi du genre humain ». Avant lui, Cicéron (106-43 av. J.-C.) postulait, dans le Traité des devoirs (en III, 29), que nul n'est jamais tenu de tenir parole s'il l'a engagée par serment à un pirate.

Kelsen, dans un texte de circonstance portant sur le nouvel ordre juridique international instauré à l'issue de la Seconde Guerre mondiale, et plus précisément au sujet de l'accord de Londres (8 août 1945) concernant la poursuite et le châtiment des grands criminels de guerre des puissances de l'Axe, juste avant le procès de Nuremberg, fonde sur l'ancien principe de la responsabilité individuelle des pirates le droit qu'une cour internationale dispose de juger individuellement des responsables nazis ayant commis des crimes contre l'humanité.

Ainsi, grâce à Kelsen, le droit de la mer a contribué à conférer au droit international la force de se faire respecter.

Questions

  • Le droit n'est pas la force et aucun droit ne saurait découler de la force ; mais qu'est-ce qu'un droit qui n'aurait pas la force de se faire respecter ?
  • Comment pourriez-vous illustrer cette idée que le pirate est l'ennemi du genre humain ?

Pour approfondir

  • Le Droit international selon Hans Kelsen. Criminalités, responsabilités, normativité, ENS éditions, 2018 : 1. Hans Kelsen p. 55-68 ( trad. Pratt) ; 2. Présentation par Valéry Pratt p. 37-54
  • Valéry Pratt, « Juger la guerre : Nuremberg et la restauration de l’État de droit mondial », in La Guerre monde 1937-1947, Gallimard, t II, 2015, p. 2365-2410

Source : https://lesmanuelslibres.region-academique-idf.fr
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